CaroloScopeImages de Charleroi au cours de l'Histoire
1780-1789 // vents de réforme
Joseph II, le réformateur impatient
Dès 1765 Joseph fut empereur et co-régent avec sa mère, mais il n’était chargé que de la représentation et des affaires militaires et exclu de la politique étrangère et des décisions politiques internes de l’empire.
29 novembre 1780 : Mort de l’impératrice Marie-Thérèse. Avènement de Joseph II
Le nouveau souverain a déjà 40 ans. Il use aussitôt de son pouvoir pour bouleverser les États autrichiens. C’est l’« Aufklärung » : fin du servage, expulsion des Jésuites, édit de tolérance, suppression des ordres contemplatifs, suppression de la torture, abolition des corporations… Joseph II fait aussi du haut allemand la langue officielle de l’empire, à la grande fureur des minorités.
Dominé par la haine du clergé et de la papauté, le « joséphisme » va se solder par un échec cuisant… mais il montrera la voie aux révolutionnaires français.
Il se voulait libéral, mais se montrait autoritaire si les intérêts des Habsbourg étaient en jeu ; il laissa le pouvoir impérial tomber au niveau des luttes d’intérêt entre princes allemands.
L’empereur visite les Pays-Bas au début de l’été de 1781.
Le roi pendant ce voyage était arrivé par Francfort, Luxembourg et Namur. Dans cette dernière ville il fut accompagné du grand Bailly de Namur, le vicomte Desandrouin et arriva à Charleroi le 6 juin vers six heures du soir. Son premier soin fut de visiter le corps des valides alors en garnison dans la ville et de s’entretenir avec eux.
La commune de Charleroi tenait énormément à ses privilèges.
1780 érection de la maison du Bailli située aujourd’hui au n°3 de la rue Turenne.
Dès 1781 lorsque l’empereur Joseph II vint en ville, nos magistrats sachant que les libertés communales étaient en danger, osèrent porter leurs vœux devant le souverain, longtemps avant les réclamations qui s’élevèrent plus tard dans le pays. Voici à ce sujet une pièce officielle :
Nous échevins du magistrat de Charleroi soussignés, déclarons que notre auguste Empereur et Roy Joseph II est arrivé en celte ville le 6 juin 1781, aux sept heures du soir, dans la maison de Jean-Antoine Boens aubergiste en cette Ville-Basse portante pour enseigne le Grand monarque, auquel jour nous eûmes l’honneur de nous prosterner aux pieds de sa sacrée Majesté, une demie heure après son arrivée et lui présenter nos très humbles respects et hommages ; nous ayant accordé ( avec un accueil gracieux ) une audience de trois quarts d’heures, pendant quel temps, sa Majesté s’est informée particulièrement de l’augmentation de la population en celte ville, des facultés d’icelle, des fabriques et commerces ayant rencontré ces trois objets, nous avons pris la liberté de demander à sa sacrée Majesté, la continuation de nos privilèges en lui représentant que celte ville naissante avait dû être protégée de ses augustes prédécesseurs et qu’elle était encore actuellement dans le même cas, sur tout quoi sa Majesté a daigné réfléchir, nous promettant d’y prendre favorable égard et nous ordonnant en même temps d’en dresser un mémoire en quatre lignes et de lui mettre en main propre soit ici ou
à Mons.
Ce monarque est parti le sept dito aux cinq heures et demi du matin pour cette dernière ville et avant son départ avons eu l’honneur de remettre le prédit mémoire en mains propres, laquelle déclaration pour contenir la vérité avons souscrit au registre aux résolutions.
Fait dans notre assemblée le 8 juin 1781 .
(Signé) J. Regnard, Thomas J. Ledent, F. J. Navez, Fon-
taine, Galein, Dupret, 1781, bourgmestre, F. Huarl, et D.
Henry, greffier, 1781.
L’ empereur-roi répondit avec affabilité : qu’il prendrait en sérieuse considération les points sur lesquels messieurs du magistrat attiraient son attention ; qu’il entendait faire de Charleroi une ville de commerce qui existerait à toujours à l’aide de nouveaux privilèges et qu’il tenait à l’augmentation de la population.
La réponse de l’empereur était dilatoire et trompeuse. Aussi, nourrissait-il des idées réellement opposées à ses promesses, que le Magistrat lui rappela en vain en 1783.
L’empereur ordonne la destruction des murs
Les bâtiments militaires sont rasés et les terrains vendus et lotis. La ville achète le quartier des écuries pour 12600 florins. Cela permit un nouvel accroissement de la population.
En 1782, suite à ses diverses réformes, l’Empereur Joseph II décide de démanteler plusieurs places fortes de la ligne de défense issue du traité des barrières dont celle de Charleroi. Cette ligne de forteresses allant de la côte belge au Luxembourg, avec des garnisons hollandaises formait une protection contre une invasion française. En 1745 la barrière fut complètement inutile et on n’en veut plus car elle est inutile et elle coûte cher. Dans le jeu de l’empire Austro-Hongrois, les hollandais ne sont qu’une monnaies d’échange. Mais les Hollandais ne veulent pas partir et Joseph II fait démanteler les forteresses.
Cette ouverture va favoriser une augmentation de la population dans Charleroi-centre qui ne compte encore en 1784 que 3563 habitants. Malgré les privilèges accordé au secteur industriel naissant et la production de matières premières les marchés de Charleroi servent principalement à alimenter la ville et ne sont ps, comme dans les localités voisines telles Fontaine-l’Evêque, Châtelet ou Marchienne-au-Pont, des lieux attractifs d’échange ou d’écoulement des productions propres.
En 1782, il libéralisa, jusqu’à un certain point, la presse. Ce qui déplut aux autorités locales et religieuses
17 mars 1783: L’Empereur promulgue l’Édit de suppression des couvents des ordres contemplatifs, suivi en 1786 par celui supprimant les séminaires épiscopaux. Ces mesures se heurtent à la résistance de l’épiscopat des Pays-Bas. L’archevêque de Malines proteste et l’évêque de Namur se voit privé de son bénéfice. Ces mesures vont mobiliser l’opinion catholique contre l’Empereur. Les biens de ces couvents furent cédés à l’Etat et ils furent affectés à une caisse qui aidait les ordres « utiles ». Joseph II laïcisa deux secteurs qui étaient jusqu’alors presque exclusivement entre les mains de l’Eglise: l’état-civil et l’assistance publique
Il s’engagea ensuite dans des réformes administratives et judiciaires qui provoquèrent une levée de boucliers. Il s’occupa également des fêtes de villages. Il trouva qu’elles faisaient désordre. Il décida donc que toutes les fêtes auraient lieu le même jour dans tous les villages… La grande majorité du peuple ne fut pas touchée par les grandes réformes mais fut mécontente des petites réformes.
Octobre 1784 : Joseph II cherche à forcer le blocus de l’Escaut mais la « guerre de la marmite » – un boulet a troué une marmite à soupe, seule victime de cette « guerre » – maintient le statu quo.
En 1787, il bouleversa l’ancien système de duchés et de comtés des Pays-Bas, qu’il remplaça par neuf «cercles». Dans la foulée, Joseph II remodela le système judiciaire, supprimant toutes les anciennes juridictions et les remplaçant par 63 tribunaux de Première instance.
Sa réforme du code judiciaire visait à mettre fin à l’inextricable écheveau des lois féodales, qui ne donnaient aucune sécurité au commerce et à l’industrie. Il accorda la liberté de culte aux protestants. Les grandes propriétés terriennes des abbayes des Ordres contemplatifs furent détruites. Enfin, l’Empereur, dans une dernière tentative pour briser la résistance des privilégiés, enleva aux «Etats» leurs dernières fonctions comme pouvoir politique.
Tous ceux qui n’étaient pas des privilégiés – et c’était la grande majorité de la population, bourgeoisie inclue – ne pouvaient être que contents des réformes de l’Empereur. Mais le fait qu’elles émanaient de Vienne, d’une façon paternaliste et despotique, fit qu’elles n’eurent pas un accueil favorable.
Marie-Christine de Habsbourg-Lorraine, archiduchesse d’Autriche, duchesse de Teschen, gouvernante des Pays-Bas. 1776
Albert von Sachsen-Teschen. Conjointement avec son épouse, gouverneur des Pays-Bas autrichiens après la mort en 1780 du prince Charles-Alexandre de Lorraine. En 1790, il réprime la révolution brabançonne, causée par les réformes maladroites de l’empereur Joseph II, son beau-frère.
30 mai 1787 : L’archiduchesse Marie-Christine suspend l’exécution des principaux édits impériaux au grand soulagement de Charleroi qui avait perdu un tribunal de première instance et avait vu son organisation chamboulée par les vue du pressé réformateur.
Lettre du magistrat de Charleroi au duc d’Aremberg, seigneur de Charleroi.
Les échevins du Magistrat de la Cour de Charleroi, ainsi que les plus honorables bourgeois de cette ville, prennent la respectueuse liberté de témoigner à V. A. la satisfaction qu’ils ont éprouvée à la lecture de l’ordonnance du 14 de ce mois, portant sur séance des nouveaux tribunaux de judicature. Ils ont été convaincus qu’elle était le fruit de la sollicitude paternelle de V. A., pour le bien général des habitants du Pays, et la suite de la noble fermeté qu’elle a déployée dans les différentes représentations qui ont été adressées à L. A. R. les sérénissimes Gouverneurs généraux, relativement au nouveau système de police et de judicature établi par les deux diplômes de S. M. l’Empereur et Roi, en date du 11 janvier de cette année, et par les différents Édits qui en ont été la suite et le développement. Ils osent se flatter que V. A. daignera continuer ses soins à l’avantage de la chose publique, en procurant le rétablissement permanent des lois constitutionnelles, qui ont fait jusqu’à présent la félicité et la splendeur des Pays-Bas en général et à l’abri desquelles nous avions particulièrement le bonheur de voir notre liberté, notre honneur et nos propriétés en sûreté. C’est là le vœu général, c’est le seul vœu des habitants de cette ville. […]
L’expression de nos sentiments est le gage de ceux dont sont généralement pénétrés les habitants de cette ville, dont nous sommes l’organe et l’interprète ; nous les déposons avec confiance dans le sein de V. A. en la suppliant de daigner nous continuer les bontés dont elle nous a comblés dans tous les temps et surtout de diriger la conduite que nous devons tenir dans la circonstance actuelle, pour procurer autant qu’il dépendra de nous le rétablissement de l’ancien ordre des choses. Ce sont les vœux ardents et sincères etc. Signé de tous les Échevins et de plusieurs notables. Charleroi, le 31 mai 1787. In : Rapport, p.146
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Mais Joseph II désavoue Marie-Christine en envoyant à Bruxelles le comte de Trauttmansdorff qui rétablit les édits le 17 décembre 1787.
En l’année 1789 s’étaient renouvelés les troubles de 1787. Le mois d’août de cette année avait vu s’organiser déjà les volontaires brabançons.
Dés le commencement de 1789, les troupes autrichiennes avaient quitté Charleroi, bien que les officiers continuassent à se faire payer leurs émoluments par la ville, comme le prouve
l’acte suivant qui renouvelait les plaintes et les réclamations de la ville.
Mémoire présenté par ceux du magistrat de Charleroi à S. E, le chevalier Buval commissaire du conseil Royal du gouvernement le 2 mai 1789.
Il ne se commet guère de fraude en la ville de Charleroi parce que tout le provenu de ses fabriques est libre de sortie, et le peu qui pourrait être introduit en fraude, ne peut provenir que de la rivière de la Sambre, aisance qui se trouve bien plus grande à Chatelineau et à d’autres endroits du plat pays auxquels on a accordé le commerce et fabrique au préjudice de la dite ville qui n’a pas d’autres ressources, qui n’a plus de garnison pour y procurer un mouvement utile et entretenir du numéraire par la consommation et qui néanmoins doit continuer à payer des forts appointements aux individus de l’Etat-major sans en posséder aucun membre.
Telle est la triste situation de la ville de Charleroi qui, par les droits d’entrée des matières premières de ses fabriques en fer, sel, tabac et autres, a constamment fait valoir la douane de son auguste souverain, mais toutes les ressources de cette petite ville se tarissent par les articles suivants.
1° Par rétablissement du commerce et fabriques accordées
au plat païs, dont les habitans sont ultérieurement favorisés de
la culture.
2° Par le défaut de garnison.
3° Par la continuation du paiement annuel à l’état major à
titre d’ustensiles comme s’ensuit :
Au gouverneur le comte Bournonville
résidant à Bruxelles 2400 00 00
Au major le baron Coënens résidant à Luxembourg 600 00 00
A l’aide major Janssens résidant à Bruxelles … 200 00 00
A sa Majesté pour la place vacante d’un lieutenant du Roy 1000 00 00
Et à sa Majesté pour la place vacante d’un second aide major 200 00 00
Florins 4400 00 00
4° Par des logements presque continuels de recruteurs, fournissement du nécessaire aux passages des troupes, frais à supporter par la ville de Charleroi, soustraite de la dépendance et administration des États de la province de Namur qui indemnisoit de semblables frais, les autres endroits de la
province et n’ont plus aucune considération pour la ville de Charleroi laquelle paie la taille réelle à S. M. se montant chaque année à fl. 1700 environ.
L’établissement des commerce et fabriques au plat païs joint au défaut de garnison dans la ville de Charleroi en font diminuer la gabelle ou les droits de ville, tandis qu’outre les dépenses ordinaires précitées elle a été dans l’obligation d’achever sa ruine, par les extraordinaires suivantes.
Premièrement par la réédification de l’église paroissiale de la Haute Ville, faite par la caisse de l’administration, quoique cette église soit une chapelle Royale, dont la cure était à la collation de Sa Majesté, ce qui a coûté au moins quarante mille florins, la ville restant chargée de ce chef de fl. 448 de rente constituée à 3 1/2 p. c. faisant un capital de 12800 florins qu’on a levé pour cet objet.
Deuxièmement par l’acquisition du quartier de la cavalerie,faite lors de la vente des batimens royaux pour la somme de fl. 12600 non compris fl. 1000 payés pour cet objet par ordre du gouverneur au nommé Paul Moret du faubourg de cette
ville de laquelle somme fl. 12600 la caisse n’ayant pu rembourser que la moitié, se trouve redevable à la recette des ventes des fortifications de fl. 315 de rente, laquelle, faute des moïens, se trouve arriérée de deux années.
5°Par la dépense que ladite administration a été obligée de faire par ordre du gouvernement l’an 1787 d’une somme de fl. 1087 pour l’établissement du tribunal de première instance en cette ville sans en avoir rien récupéré.
6° Par l’obligation la plus urgente et la plus indispensable où l’administration s’est trouvée de fournir, ensuite de l’autorisation du gouvernement, aux pauvres malades de cette ville, au moins pour la somme de fl. 1400 tant en argent qu’en médicaments, vins, bouillons etc., etc. selon les ordonnances des médecins pendant la maladie épidémique qui y a régné l’an dernier, de laquelle somme la dite administration reste redevable de plus de la moitié à différents particuliers.
Tellement que l’administration, loin d’avoir les moïens de pouvoir fournir à des nouveaux frais, tels que ceux de la réparation des portes nouvelles barrières et du gage du portier qui avant la vente des fortifications ont toujours été à
charge de S. M., elle a au contraire tout le mal possible de pouvoir faire face à la multitude d’obligations dont on la charge, n’ayant pour faire face à tous ses différents objets que la somme de fl. 6170500 en caisse ainsi qu’il s’est
vérifié par le dt compte de ladite administration.
A ces causes ceux du magistrat de Charleroi soussignés, toujours zélés d’obtempérer avec la plus parfaite exactitude aux ordres de son auguste Souverain et de son conseil Royal du gouvernement, ainsi qu’ils ont taché de le manifester à son commissaire M. le chevalier Duval prennent la très respectueuse liberté de réclamer la bonté paternelle et la bénétîcense de sa majesté l’Empereur et Roy en la suppliant très humble d’être servie d’accorder un coup d’oeil de compassion sur les fidèle sujets de sa pauvre ville de Charleroi et de daigner la décharger du paiement d’État major et de quelques autres
parties de son fardeau.
Signés. J. Nicolas François, J. L. Reynard, F. Huart,
Fontaine, B. J. Thiebaut, et P. J. Claess, greffier, 1789.
Et pendant ce temps; les esprits indépendantistes s’échauffent.
Des « comités patriotiques » avaient déja surgit ça ét là en 1787. Deux anx plus tard :
[…] le peuple de Namur s’agitait, poussé par divers patriotes,
Le 24 juillet l’enterrement de la femme du préposé Van Ringh, fut l’occasion d’un rassemblement patriotique. Le 19 octobre, furent arrêtés [les agitateurs], et dès lors les troubles à Namur furent presqu’ étouffés, au moins relativement. Cependant ils avaient fait école, et J. Dehaux, directeur de la poste aux lettres à Charleroi, travaillait les esprits dans cette ville et à Fleurus. Ce Dehaux avait beaucoup de relations à Namur et à Bruxelles, où il habitait encore en 1786. Il possédait même une diligence de messagerie qui faisait le service public de Charleroi à Bruxelles. C’était un homme fort remuant qui avait « beaucoup contribué, en 1787, à l’émeute qui m’a obligé de fuir nuitamment de Charleroy » écrivait le 31 octobre 1879 P. C. Huarl, alors substitut du procureur général de Namur. (Voir le Livre noir du comté de Namur par l’avocat A . /. Gillard, page 119)
Plus sur la révolution brabançonne dans le post suivant.