Le 20 octobre 1740, à Vienne, Marie II Thérèse, Duchesse de Brabant, Duchesse de Limbourg, Duchesse de Luxembourg, Comtesse de Flandre, Comtesse de Hainaut, Comtesse de Namur (23 ans) monte sur le prestigieux trône d’Autriche laissé vacant par la mort de son père, Charles VI de Habsbourg. N’ayant que des filles pour lui succéder, Charles VI a prévu par la «Pragmatique Sanction» du 19 avril 1713 que son héritage pourrait revenir à l’aînée de celles-ci, Marie-Thérèse. L’ordonnance impériale doit éviter le morcellement de ses États héréditaires. Mais elle n’est agréée que du bout des lèvres par les souverains européens. Sans compter que les règles de succession du Saint Empire romain germanique ne permettent pas à une femme de porter le titre impérial. Autant dire qu’il faudra beaucoup d’énergie et d’habileté à Marie-Thérèse pour faire valoir ses droits…
Charleroi fut remis à l’Autriche; mais la France eut soin avant de s’en dessaisir d’achever la démolition de la forteresse et d’emporter tout le matériel de guerre jusqu’à la dernière pièce d’artillerie. Cette destruction de la forteresse ne pouvait du reste qu’aider à la tranquillité de la ville pour l’avenir. C’est en effet à cette époque qu’il faut reporter le temps le plus heureux de notre ville.
« Le règne de Marie-Thérèse fut la véritable période industrielle et commerciale de nos localités dans le dernier siècle. L’industrie locale fut l’objet des soins de l’impératrice et des hommes dont elle avait su s’entourer. Elle fit publier un grand nombre d’ordonnances par lesquelles la souveraine s’efforçait dans ces années de soutenir et d’augmenter la prospérité industrielle par les moyens admis alors comme les plus efficaces, c’est-à-dire par la protection douanière. Aussi grâce à cette sollicitude, l’industrie et le commerce étaient-ils alors florissants à Charleroi ». in : Documents & rapports de la Société paloeontologique 1870. p.254
Marie-Therèse réforma l’administration de tout le pays, rénova les routes et les chaussées et encouragea les innovations. Elle permit aussi à la ville de toucher des droits de passage aux « barrières » placée au entrées de la ville.
Non moins soucieuse des intérêts du commerce de détail que de ceux de l’industrie et du haut commerce, elle supprima dans diverses parties du pays le colportage, ce trafic des contrées sans commerce et qui ne profite d’ordinaire qu’aux étrangers. »
Ci-dessous un petit relevé des quelques industries locales qui reçurent les faveurs de l’impératrice via ordonnances spéciale :
-Le 10 octobre 1742, Marie-Thérèse accorda à Antoine de Lobel et à Jean François Dubois, un octroi pour l’érection d’une fabrique de tabac à Charleroi, avec exemption de certains droits de douanes.
-Le 21 février 1744, Théodore Strulens obtint des facilités d’entrée sur les fers qu’il tirait du Pays de Liège pour son usine de Plomcoz,
-Le 4 mai 1745, Jacques Antoine de Colnet recevait de Marie-Thérèse un octroi de verrerie à bouteilles à Jumet.
-à Jos Drion fabricant de clous à Charleroi, un acte d’octroi particulier daté du 17 octobre 1764 a en effet servi dans la suite de type pour tous ceux qui ont été accordés aux divers maîtres cloutiers de la localité -voir ci-dessous.
-Fabrique de cordes de chanvre, établie en ville par Jean Lemoinc en 1751, travaillant lui et un ouvrier et produisant 360 livres de cordes
-Fabrique d’étoffe de laine pure et de misalaine établie à Charleroi par P. Guill. Hens ou Hins de Châtelet avec privilège en date du 30 avril 1762, employant 9 ouvriers pour 9 métiers et fournissant par année 21000 aunes d’étofte de laine pure et 800 aunes de misalaine.
-Fabrique d’étoffe de laine pure et d’étoffes de laine et fil, dite misalaine, établie en ville le 1er décembre 1761 par Migotte ou Migeotte de Chatelet et octroyée ensuite en date du 30 avril 1762. Cette fabrique employait 70 ouvriers et produisait 28000 aunes d’étoffe de laine et 1600 aunes de misalaine. Migeotte faisait fouler toutes ses étoffes en ville. Cette fabrique existait encore en 1769 mais sustentait à peine son propriétaire.
-Fabrique de misalaine établie en ville par octroi du 30 avril 1762 par Ph. Fr. Dumont de Chatelineau, ayant 2 métiers, employant 6 ouvriers et fournissant annuellement 968 aunes d’étoffe que le fabricant vendait à Leuze.
-Nicolas Melon avait aussi à Charleroi une peignerie de laine et une filature dont il vendait le produit à Leuze. Son octroi était du 4 juin 1764. Il employait 14 ouvriers et produisait 900 livres de laine peignée et 200 livres de laine filée.
-Le même Ph. Fr. Dumont possédait encore en ville une peignerie de laine, accordée par son même octroi du 30 avril 1762, employant 3 ouvriers et fournissant 1275 livres de laine peignée qui était expédiée sur Leuze. En 1769 ce Dumont tombé dans la misère, habitait le Faubourg.
Dans cette diversité, dans ce foisonnement d’entreprises naissantes qu’encourageait le pouvoir viennois, il était une activité qui avait pris une grande extension à Charleroi: la clouterie.
Nous reproduisons ici l’octroi particulier accordé à Jos Drion fabricant de clous à Charleroi. Cet acte d’octroi particulier daté du 17 octobre 1764 a en effet servi dans la suite de type pour tous ceux qui ont été accordés aux divers maîtres cloutiers de la localité. A ce point de vue nous croyons utile de donner le texte de cette missive que nous avons copiée aux archives du royaume dans la liasse n° 1951 du Conseil des finances.
La clouterie employant beaucoup de fer fendu en bottes, et devant en payer un fort droit d’entrée , il s’ensuivait que la fraude de ce fer était lucrative et s’exerçait sur une grand échelle. Déjà dans l’ordonnance du 30 avril 1742, l’Impératrice avait nominé des peines contre cette fraude. Le mal ne fit qu’augmenter et le 28 janvier 1765 il fallait porter une nouvelle ordonnance sur cet objet.
Réservée à l’impératrice et ses ministres, cette carte fut réalisée en trois exemplaires et reçut le nom de Carte de cabinet. Elle se compose de 275 feuilles d’environ 91 cm sur 141 cm, la plupart étant pliées en quatre. À certains endroits, une cinquième feuille ou bandelette a été ajoutée. Cet ensemble est d’autant plus intéressant qu’il contient, pour chaque carte, des informations et explications historiques, géographiques, économiques, sociales et militaires. Wouter Bracke
http://www.ngi.be/FerrarisKBR/index.jsp?l=fr
Le reste du village de Charnoy, formant le faubourg de Charleroi, ne participa naturellement pas à ces privilèges et resta soumis aux impôts ordinaires. Ce Charnoy faisait en 1705 partie du baillage de Gilly.
Cette exemption d’impôts dura, pour la ville, jusqu’à ce qu’il se fût formé une certaine population et un magistrat. A cette époque, dès 1742, il fallut créer des ressources pour soutenir l’administration locale et l’on établit, en vertu des privilèges du souverain, des impôts communaux réguliers à charge des habitants. Ceux-ci payaient en outre quelques redevances au profit du souverain.
Ces impôts communaux augmentèrent avec les besoins administratifs et n’empêchèrent pas la misère de serrer la ville de ses étreintes incessantes. Cependant le fisc souverain voyait avec impatience ces impôts entrer dans la caisse communale, il lui semblait que c’était là un vol fait au trésor du pays et plus les ressources communales montaient,plus son avidité augmentait jusqu’au moment où il se décida enfin à poser la main sur les revenus communaux et à mettre fin à l’espèce d’indépendance pécuniaire et administrative dans laquelle Charleroi avait vécu jusqu’alors.
Le village de Charnoy , d’autre part, continuait à vivre à côté de la ville de Charleroi. Le premier imposé sur l’aide et les contributions de tailles, la seconde exempte de ces impôts. Mais dès l’an 1767 on voulut taxer la ville qui y opposa une forte résistance et en l’année 1769 l’on prit définitivement des mesures pour appliquer à la ville le système commun des aides ou tailles d’impôts directs, qui devaient permettre de supprimer les autres impôts. Le chiffre de taille fut fixé à 532 fl. 5 sols 12 liards.
Le 3 juin 1772 parut un décret de Marie-Thérèse. En vertu de ce décret l’impôt fut imposé à Charleroi pour la première fois dès cette année même de 1772. Société royale paléontologique et archéologique de Charleroi.1875